Le diable est passé me voir dans une autre de mes vies,
En enfer j'ai dansé avec lui sur des braises ardentes,
De ses paradis je nourrissais mon sang,
De ses larmes je rongeais mes entrailles,
Et lorsqu'il riait aux éclats je tremblais d'effroi,
Il a recouvert mes nuits d'un vent sombre et inaccessible aux biens-pensants,
Seule sur le chemin il s'est glissé dans mes faiblesses,
S'est emparé de mes folies pour les dévorer,
Il a bercé mes doutes de son chant damné,
La grisaille de sa tristesse est un crève-coeur,
En sa compagnie mil royaumes en flammes j'ai traversé,
En sa présence je tutoyais la mort,
De la souffrance je connaissais la couleur,
De ses abysses je suis devenue l'héroine,
Il a insufflé son amour sanglant dans mes errances,
En clandestin il s'est tapi dans mes frayeurs adolescentes,
Reine d'un enfer à la dérive je me suis brûlée les ailes,
Esclave de ses émotions j'ai perdu la tête,
Perdu du regard l'illusion de la vie,
Je me consumais de ses chimères amères,
De ses regrets éparpillés sur la terre d'un Dieu sourd,
L'âme prisonnière de sa magie noire,
Moi qui rêvais de fantaisie,
Je répendais les cendres de la douleur dans les ténèbres,
Enfermée dans un gouffre le soleil m'avait oublié,
Le corps marqué au fer rouge, l'esprit en ruines,
A la recherche d'un souffle salvateur j'ai rampé,
Et puis le jour s'est levé mon cauchemar a pris fin,
Quelquefois dans la tempête
Je le revois me faisant des clins d'oeil,
Mais en celui qu'ici-bas on ne nomme pas
Je n'ai plus foi.
Texte de Songedusoir (Rosaria).